Etre adhérent aux Jardins de Cocagne, cela représente un engagement, une responsabilité et un espoir. L’engagement d’acheter tous mes légumes toute l’année aux Jardins, et l’espoir d’avoir de meilleurs légumes, de participer à une transformation, une transformation de ma vie, de ce que je mange et de ce que je fais manger à mes enfants parce que c’est important pour moi, une transformation de la manière dont les légumes sont produits, une transformation des systèmes de consommation, et quelque part, ce faisant, du monde et vers où j’aimerais qu’il aille. Et du coup, je peux agir à mon échelle. Je peux agir à mon niveau pour participer à cette transformation.

 

Le volet insertion fait bien sûr partie de notre démarche, même si c’est moins la réalité quotidienne pour moi que les légumes. Travailler, avoir accès à un travail, avoir accès à la société, c’est malheureusement quelque chose d’essentiel dans la société et le fait d’aider les gens à retrouver le sens du travail, ce n’est pas le bon mot car travailler ce n’est pas une fin en soi, mais retrouver une manière d’exister, une manière de s’insérer, et de pouvoir s’assumer, c’est bien sûr quelque chose de très important.

 

Donner un travail qui fait sens, un travail qui est important, produire de la nourriture et de la nourriture bio, pour moi c’est le travail le plus fondamental dans la société, donc, je trouve que c’est chouette qu’on vous donne l’occasion de travailler et de se reconstruire, souvent, pour ces personnes, dans ces conditions-là.

 

Les 20 ans des Jardins, ça me donne à réfléchir, car il y a même 10 ans, je ne pensais pas comme je pense aujourd’hui. Il y a 20 ans, j’allais acheter mes légumes au supermarché, sans l’ombre d’un scrupule, cela me semblait normal, c’est le modèle que j’avais appris de mes parents. Mes enfants se souviendront des Jardins de Cocagne. Je suis très content de venir ici avec mes enfants et je pense que plus tard, ils se souviendront que nous sommes venus ici et qu’ils se souviendront que les légumes poussent dans un maraichage et comme on habite à 800 mètres d’ici, un maraichage qui est juste à côté de la maison. On est venu en vélo ensemble ici et c’est une démarche qui est complète. C’est à dire qu’on est là à proximité, on voit tout ce qu’il se passe, de temps en temps, on va voir le jardin, on voit le tracteur, pour l’instant, c’est surtout le tracteur qui les intéressent, mais voilà, ça fait un sens.

 

Vous savez, une première surprise des Jardins de Cocagne, c’est de se rendre compte que les légumes étaient meilleurs et moins chers qu’au supermarché. J’insiste sur le moins cher. Ils sont bien meilleurs, la qualité est bien meilleure, et le prix est vraiment très acceptable et pour moi, c’est vraiment le signe que c’est l’avenir et qu’on a fait le bon choix en venant ici. Plus de qualité avec le meilleur prix, avec le volet insertion, avec le volet local, avec le volet bonheur de venir ici avec mes enfants et qu’ils voient cela.

 

Et c’est ce que j’espère de l’évolution des Jardins de Cocagne dans le futur, qu’on remette au cœur de la société l’importance de produire localement des légumes de qualité, des produits, des aliments de qualité, des aliments qui fassent sens, des aliments qui fassent cœur avec les gens, que les gens aient vus grandir, que les gens se réjouissent de manger à nouveau, quand je dis réjouir, c’est attendre les tomates tout le printemps en se disant c’est bientôt le temps des tomates, parce qu’ils les ont vus grandir, peut-être qu’ils les ont semées, peut-être qu’ils ont participé à cela. On voit de plus en plus, dans les quartiers, des jardins partagés, des trucs comme cela, dans 20 ans, je pense que ce sera une norme, on verra des jardins sur les toits, il y aura des jardins partout, en ville, dans les parcs, sur les ronds-points …même dès aujourd’hui avec les Incroyables Comestibles qui est une initiative que j’adore.

 

Je suis fier de dire autour de moi que les légumes sont meilleurs et pas plus cher qu’au supermarché. Les gens sont surpris, les gens n’y croient pas, pourtant les gens qui viennent manger chez moi s’en rendent bien compte. Ce que je dis aussi c’est que c’est possible. Souvent, un des freins des gens, c’est de dire, je n’ai pas envie de cuisiner, je ne sais pas quoi faire de ces légumes tous bizarres. Bien sûr l’été c’est facile, mais l’hiver, il faut savoir aussi quoi faire de ses rutabagas, et de ses radis noirs. Mais ça s’est aussi une transformation. Mon rôle d’adhérent, c’est de dire que c’est possible, de montrer l’exemple. Je ne peux pas faire grand-chose de plus, mais c’est pas si peu que ça. Parmi mes voisins, il y a des gens qui sont aussi adhérents. Mon rôle d’adhérent c’est de soutenir, c’est d’être là, de revenir années après années, continuer à acheter et continuer à m’engager pour que le Jardin de Cocagne puisse s’inscrire dans une démarche durable.

 

Dans 20 ans, peut-être que le rôle que la Société demandera aux Jardins de jouer sera une autre forme de réinsertition : réinsérer les gens dans une vie et une alimentation saine, dans un rapport directe à ce qu’ils mangent. Le rôle des Jardins de Cocagne sera de former, de former les gens, le plus grand nombre possible, de transmettre, de planter cette graine, que cette graine qui aujourd’hui produit des légumes, produira des agriculteurs, ou des maraichers mais à l’échelle microscopique, à l’échelle de l’individu, que les gens recommence à produire eux-mêmes leurs légumes. Et cette compétence, le Jardin est certainement en train de la préparer aujourd’hui. Les gens formés au jardin aujourd’hui auront alors un savoir-faire d’une valeur très importante.

 

Philippe, Adhérent des Jardins de Cocagne