Pour cette lettre de rentrée, je voudrais vous parler de la manière dont nous gérons l’hiver et ce que deviennent les cultures … quand on ne cultive pas !

Occultation

Pendant l’hiver, on met du paillage sur le sol pour diminuer la quantité d’herbe qui va pousser. On utilise pour cela une toile en plastique recyclé, très solide et qui dure plusieurs années si on en prend soin. Le but, c’est vraiment d’occulter le sol, pour éviter la pousse, ce qui va nous permettre de limiter la quantité de désherbage qu’on aura à faire ensuite. Ce temps de désherbage en moins, c’est autant de temps gagné qu’on dégagera pour d’autre tâches, plus intéressantes pour les salariés.

Pour donner un exemple, sur certaines zones, on voudrait faire des carottes nouvelles au printemps, mais c’est très compliqué à gérer à cause du désherbage. C’est pour ça qu’on a décidé de tester l’occultation dans cette zone. On a préparé les planches (c’est le nom que l’on donne à la bande de terre de 120 cm sur 50 m où seront cultivés les légumes), elles sont toutes prêtes pour le printemps et on a mis les toiles d’occultation. On va ensuite attendre jusqu’au mois de mars. Au mois de février, s’il fait beau et chaud, ça va germer dessous, et à cause de la bâche, l’herbe va mourir. Et tous les 15 jours, ça va faire ce cycle, germination, pousse et mort. Ensuite, on retire la toile, et immédiatement on sème. Comme cela, les carottes vont commencer à pousser dans un terrain vierge d’herbe, ce qui va limiter la concurrence entre les espèces. C’est la même chose pour les panais. Certaines années, le panais germe en une semaine. Dans ce cas-là, tout va bien, mais d’autres fois, il faut 3 semaines (parce qu’il a fait un peu froid ou qu’il y a des alternances de chaud et de froid, par exemple) et, alors, l’herbe est plus en avance. Avec l’occultation, on va pouvoir semer les panais un peu plus tard, en avril/mai, et ça devrait bien marcher.

Et puis, les jardiniers vont être contents : quand je leur demande de désherber une planche de panais où il y a 10 cm d’herbe, ce n’est pas la joie. Avec l’occultation, on va gagner du temps pour faire autre chose, pour mieux se concentrer sur d’autres désherbages.

 

Desherbage

Le désherbage de printemps, c’est vraiment un sujet qu’on doit anticiper. C’est pour cela qu’on met beaucoup de paillage pour réduire la quantité de désherbage à faire. Quand on s’est installé sur les nouveaux terrains, on nous avait dit qu’il y avait un potentiel de graines (de mauvaises herbes) phénoménal. Comme les désherbages de années antérieures n’avaient pas été faits régulièrement, il y a un stock de graines dans la terre qu’il faut éliminer.

On pourrait faire pousser des espèces ,comme la luzerne, qui sont dites nettoyantes. La luzerne est en plus un engrais vert. Elle étouffe toutes les autres espèces où elle est plantée. Il faut la laisser 3 ans en place, on retourne le champ régulièrement, et ensuite, au bout de 3 ans, quand on sème des carottes, il n’y a plus un brin d’herbe qui pousse. C’est bien, mais ce n’est pas possible pour nous parce qu’on n’a pas assez de place puisqu’il faut « isoler » une zone pendant 3 ans. Donc la solution, pour nous, c’est l’occultation et, peut-être, la solarisation. La solarisation, on la fait plutôt en été, on met une bâche transparente sur le sol et ça chauffe le sol. On peut arriver à une température de 60 degrés sur 5 cm de profondeur quand il fait très chaud, et les graines meurent. Elles germent et cuisent littéralement à la chaleur. Et ça va beaucoup plus vite que l’occultation. On a pas mal d’herbe qui poussent dans les serres à l’automne, on va réfléchir à tester cette méthode de solarisation pour éviter de faire du désherbage de masse qui prend pas mal de temps.

 

Buttes

On pourrait craindre que la terre soit trop à nu en dehors des périodes de production. En plein champ, on est en planches permanentes. C’est à dire qu’en automne, on monte des buttes assez hautes (30 à 40 cm). Au printemps, quand il pleut beaucoup, ça permet à l’eau de s’écouler et à la terre de sécher plus rapidement. Du coup, cela nous permet de semer dans le champ 15 jours plus tôt. 15 jours, c’est beaucoup et ça fait la différence. C’est pour cela qu’on monte un maximum de buttes pour que cela soit moins humide au printemps. Idéalement, ce qu’il faudrait faire, mais on ne peut pas pour l’instant parce qu’on n’a pas l’outillage – il faudrait l’inscrire dans les investissements pour les années à venir -, ça serait de passer un petit semoir, pour semer de l’engrais vert sur les buttes à l’automne, ça couvrirait le sol pour l’hiver et apporterait de l’engrais organique, et du coup, on mettrait moins d’engrais. Ce serait bénéfique sur tous les plans. Mais pour nous, c’est difficile à faire parce qu’il faudrait que les planches soient libres. On ne peut pas semer de l’engrais vert trop tard dans la saison parce que, s’il fait trop froid, ça ne germera jamais. Il faut semer vers le mois de septembre/octobre au maximum pour les engrais verts, mais nous avons encore des cultures à ce moment-là. On va donc commencer avec le buttes et on verra. Pour nous, ce n’est pas non plus trop grave car le sol n’est pas en pente. Le sol nu ne va pas raviner en cas de pluie. Car c’est l’une des propriétés de l’engrais vert que d’empêcher que la terre s’en aille en bas de la colline. Dès qu’il pleut, ça fait une croute, ça reste. C’est différent dans les zones où il y a du vent, comme en Beauce, et où le vent emmène la terre. Alors qu’ici, la pluie tasse la terre, ça se compacte, le vent ne la décolle pas. Mais, techniquement, c’est préférable de mettre de l’engrais vert et on va certainement y passer progressivement.

Voilà donc pourquoi, on a parfois l’impression que c’est trop propre dans le champ. Mais le but, ce n’est pas que ça soit propre, le but c’est de faire des buttes et de créer les conditions d’un désherbage rapide au printemps. Dans d’autres zones, comme par exemple les courges, on laisse la nature faire. On laisse les restes de la plantation de l’année sur place. Avec le gel, ça va se décomposer tout seul. Au printemps, quand on enlèvera les bâches, on fera juste attention à ne pas renverser les graines sur la terre et le terrain sera propre.

 

Conservation

Un mot sur la conservation des légumes pendant l’hiver : les courges, par exemple, il faut les garder à environ 16° pour qu’elles se conservent bien. Les pommes de terre à la cave, à 10°, dans le noir. Les patates douces, il faudrait du chaud et de l’humide, c’est plus compliqué, ça se garde un peu moins longtemps. Il y a des choses qu’on laisse dans le champ, comme les panais. Dans un jardin, si vous avez de la scarole, il faut peut-être juste la couvrir un peu.

Sous serre, on met un petit tunnel en dessous la serre. On appelle ça un tunnel de semis, ça permet de gagner 2° de température en plus. S’il fait -4° dehors, sous le petit tunnel, on aura 0°, 2° avec la serre et 2° avec le voile.

En fait, les légumes se remettent du gel. Plus le légume est petit, plus il résiste. Une grosse salade, si elle gèle, elle va mourir. Si c’est un petit plant de 4-5 cm, il va geler et dégeler plusieurs fois et au printemps, il va repartir. Dans la grosse salade, il y a plus d’eau, donc elle va plus geler. Sur les petits plants, la racine va repartir. C’est pour cela qu’on fait de la salade en hivernage. Elles vont passer l’hiver sous la serre. Et au mois de mars, on a de la scarole qui est super bonne. Elle n’est pas très blanche, mais elle est très tendre, pas amère, parfaite. Après, il faut se dépêcher car dès qu’il fait chaud, ça pousse très vite.

La mâche, elle peut geler et dégeler, sans problème. Elle supporte bien le froid car c’est une salade d’hiver. Jusqu’à 2°, elle pousse. En dessous, elle s’arrête. C’est pour ça qu’elle est idéale en hiver. Par contre, si elle a trop d’eau, elle n’aime pas. Quand c’est trop humide, comme toutes les salades, elle pourrit.

 

Paniers d’hiver

Les poireaux, on en a jusqu’à mars/avril. Mais comme on en vend beaucoup en ce moment, je pense qu’au mois de mars, il n’en restera plus beaucoup. Actuellement, on n’en met pas toutes les semaines dans les paniers, mais en janvier/février, il y en aura tout le temps ainsi que des pommes de terre.

Les patates douces, on en a un peu plus que l’an dernier. Il y en aura au moins 2 fois dans les paniers.

Les endives, on en aura aussi mais un peu plus tard au début du mois de février. Le temps de les forcer, il faut entre 4 et 6 semaines, on a commencé début janvier. (si vous voulez tout savoir sur la culture de l’endive, suivez ce lien !).

Voilà, c’est tout pour cette fois-ci. Juste un mot pour vous dire qu’une nouvelle serre est en cours de montage. On espère qu’elle sera prête au printemps.

 

Jean-François
Chef de culture