En cette fin de printemps, Patrick, maraîcher encadrant, nous parle de son rôle avec les salariés en insertion, de la préparation et de la préparation de la terre pour réussir de beaux semis et de beaux légumes !

Maraîcher dans une activité d’insertion

Dans notre activité de maraîchers-encadrants, nous nous adaptons en permanence au changement régulier de nos salariés en insertion. C’est une des caractéristiques des Jardins que de travailler et de nous organiser avec des salariés aux compétences et capacités qui changent régulièrement. On sait et ils savent qu’ils ne sont pas là pour longtemps et que notre rôle est de les aider à remettre le pied à l’étrier, à se « remobiliser ». Nous le faisons en les lançant sur différentes tâches, en les formant, en réveillant parfois des savoirs qui ont déjà été pratiqués dans le passé. On forme, on montre, on confie, délègue des tâches dont on explique leur importance dans notre production. En donnant du sens à leur travail, nous facilitons l’implication de nos salariés, (renforcée si nous n’oublions pas de leur exprimer notre gratitude !)

Par exemple, j’ai expliqué cette semaine la technique du « faux semis » à un salarié chargé de brûler les mauvaises herbes sur les lignes des carottes semées 6 jours plus tôt (nous travaillons le sol avec un peu d’avance, pour pouvoir faire germer les mauvaises herbes puis les détruire en ne retravaillant que les 5 premiers cm du sol et, ensuite seulement, semer les légumes dans un sol appauvri en graines de mauvaises herbes). Notre salarié n’avait donc plus qu’à brûler avec un nouveau désherbeur thermique les rares herbes qui poussent sur les lignes de semis, juste avant que les carottes ne sortent. C’est tout cela qu’on essaye d’expliquer, en tenant compte, bien sûr, des intérêts que l’on ressent chez nos salariés.

Personnellement, ce qui m’intéresse dans ce métier, c’est le travail d’équipe et le travail en plein air. On travaille avec des salariés, des collègues, sur le terrain, dans les bureaux, on délègue, on fait confiance, on a des retours, on voit des gens qui sont légitimement fiers de travailler, et finalement contents de le faire même si c’est parfois dur. Les salariés ont plaisir à se retrouver entre eux, à tisser des liens, et il me semble qu’ils rentrent chez eux le soir avec le sentiment d’avoir contribué à une production, d’avoir collaboré avec d’autres, d’avoir rendu service à une collectivité d’adhérents et de clients, d’avoir amorcé leur insertion dans un tissu social plus rassurant.

Le fait qu’ils aillent en stage en entreprise, qu’ils partent en immersion ou en formation permet de poursuivre et de donner un sens à la « remobilisation » qu’ils mettent en œuvre en cultivant nos légumes, en construisant avec le soutien de l’association leur projet professionnel.

 

Maraîcher en Bio

Le maraîchage est un métier que je pratique depuis 25 ans. J’ai maintenant la chance de le faire en Bio, que j’ai réellement découvert ici aux Jardins, même si je l’avais approché auparavant dans deux exploitations et en faisant des contrôles chez Ecocert. Produire en bio, c’est gratifiant, même s’il y a plus de contraintes que dans le conventionnel. Par exemple en ce moment, nous faisons très attention aux doryphores dans les pommes de terre. Nous devons aussi faire attention à l’enherbement des cultures que l’on doit gérer en temps et en heure sinon on se fait déborder et cela devient très lourd. Nous faisons aussi attention aux maladies qui pourraient se développer, notamment à cause des pluies abondantes du moment. En effet, le mildiou sur les pommes de terre, les oignons et les tomates en plein champ pourrait nous atteindre. Entre deux gouttes nous l’empêchons de se développer avec de la bouillie bordelaise. Gagnerons nous ? Nous faisons tout pour cela…

Ce mois de mai a été pluvieux, mais on a connu bien pire en 2013 où le temps était en plus glacial ! Il avait beaucoup plu et on avait perdu toutes nos pommes de terre. Pour l’instant, cette année, nos cultures sont globalement bien tenues et en assez bon état.

Nous avons cependant un sol que l’on dit « battant », c’est à dire qu’avec la pluie, cela forme une sorte de glaçage, une croûte à la surface, qui, en séchant, devient trop dure pour que les graines qui germent en dessous de cette croûte puissent la percer. Elles peuvent parfois rester bloquées en dessous. C’est ce qui est arrivé l’année dernière où nous avons perdu un semis de carottes qu’on a dû resemer à la toute fin du mois de juillet. Il est possible que le semis de carottes qu’on a semé la semaine dernière reste bloqué sous une telle «croûte». Nous verrons dans les prochains jours.

 

Le travail de plein champ

L’actualité en plein champ, en ce moment, c’est d’abord l’entretien de ce que nous avons planté : les céleris, par exemple, que l’on a très bien désherbé et dans lesquels il faudra qu’on repasse avec une bineuse. Nous préparons aussi les terrains pour les cultures qui vont venir notamment avec la fertilisation en épandant un engrais naturel. On a le projet de faire venir du fumier bio d’un éleveur bovin, celui qu’on avait mis l’an dernier dans les serres. Mais, pour le plein champ, compte-tenu de la surface que nous avons à couvrir, c’est plus compliqué parce qu’on aurait besoin d’un épandeur à fumier que nous n’avons pas :  Pour l’instant, nous utilisons donc un vieil épandeur à engrais en granulé qui épand sur une largeur de 5 planches beaucoup plus commodément que si on devait le faire à la main, planche par planche, ce qu’il nous arrive quand même de devoir faire ponctuellement.

L’autre priorité, c’est donc de limiter l’enherbement, notamment avec un désherbeur thermique dont nous avons parlé auparavant. Sinon, on fait le désherbage à la main, comme actuellement et très longuement dans les panais. On décompactera aussi la terre battue par les pluies autour des cultures. On plante, on désherbe et on récolte aussi, bien sûr ! En plein champ, nous commençons à récolter beaucoup de légumes : des côtes de bette, des pois mangetout, les fèves qui vont bientôt arriver, les oignons qui arrivent aussi et des salades en quantité. Pour les carottes, on est encore sur celles des serres car celles du plein champ ont dû être semées très tard cette année. Il y a aussi les fenouils, qui sont magnifiques. On va bientôt avoir les betteraves, elles commencent à avoir de belles feuilles, ce qui laisse penser qu’elles devraient avoir de belles racines ! Et puis aussi les petits pois, mais qui risquent d’être un peu moins nombreux qu’espéré, nous ne savons pas pourquoi, mais ils ont mal germé.

En plein champ, nous faisons peu de cultures différentes la même année au même endroit. Nous ne pouvons que rarement enchaîner une culture après une autre comme cela peut se faire dans les serres. Nous avons moins de la moitié des planches qui sont occupées par 2 cultures dans l’année. Cela tient beaucoup au fait que certaines cultures sont longues en durée, comme les pommes de terre, choux, céleris…

 

La relation avec la terre

On croit souvent qu’il faut « laisser reposer la terre ». Mais, quand on y réfléchit, la terre ne se repose pas vraiment car, si on ne fait rien, ce sont les « mauvaises herbes » qui occuperaient allègrement le terrain sans beaucoup se préoccuper de l’éventuel besoin de repos des terres. Ce qu’il faut éviter, c’est de mettre toujours la même famille végétale au même endroit. Sinon, elle va extraire les mêmes éléments nutritifs, elle va avoir le même type de développement racinaire et les mêmes maladies liées à ces culture, ce qui va rendre le sol inapte à soutenir cette « mono-culture ». On pourrait alors effectivement parler dans ce cas d’un sol « fatigué ».

Une autre forme de fatigue des sols pourrait être liée à l’acidification de nos sols (pour les chimistes : les cultures donnent au sol un ion H+ – acide- en échange des éléments nutritifs qu’elles lui prennent). Nous corrigeons cela, avec des apports calco-magnésiens. Mais avec nos petits moyens, c’est insuffisant, nous le savons. Les apports de calcaire que nous parvenons cependant à faire remontent le Ph du sol et lui permettent aussi d’améliorer quelque peu sa stabilité de structure (les « ponts calcaires » font qu’ils se délitent moins à chaque pluie, ce qui explique en partie la battance de ces sols que nous avons évoquée plus haut). C’est donc un point de vigilance pour nos terrains que nous devrions suivre avec attention.

En cette période de printemps, nous devons aussi parfois gérer des problèmes matériels brûlants comme celui que nous avons rencontré avec notre système d’irrigation : Le siphon entre le bassin dans lequel est reversé l’eau du forage et la pompe d’arrosage, dispose à son amont d’une « crépine » (un filtre suivi d’un clapet anti-retour ne permettant à l’eau de n’aller que dans un seul sens et d’éviter ainsi le désamorçage de ce siphon). Or, ce clapet ne fonctionnait bizarrement qu’une fois sur deux. Au milieu de la gestion des cultures, nous avons réussi à trouver le temps pour procéder à ce gros démontage, trouver et commander la crépine finalement cassée, nous avons ainsi pu commencer à arroser les plantations de la semaine que le vendredi 25 mai à midi, juste avant un week end très chaud…

 

Bref, toujours de nombreux sujets différents pour lesquels nous devons être vigilants mais qui font l’intérêt de ce que nous faisons aux Jardins, avec le plaisir de le faire en équipe, avec les salariés et les collègues.

 

 

Patrick,
maraîcher-encadrant, responsable du plein champ