Après un été où la chaleur a été forte, voire très forte, Jean-François, notre chef des cultures, nous explique la manière dont les maraîchers avec les salariés ont géré cette période estivale.
Cet été, il a fait chaud et, surtout, il a fait chaud pendant longtemps. C’est effectivement cette durée de la période de chaleur qui a été notable, plus que le niveau de chaleur lui-même.
Il y a eu des conséquences, certes, mais finalement, pas aussi graves qu’on pourrait l’imaginer.
Les conséquences de la chaleur
Une des premières conséquences, c’est l’arrivée précoce de certains légumes. Des légumes, qui avaient été semés pour être à maturité en automne (fin septembre, début octobre), étaient prêts dès le début du mois de septembre. Les haricots qui auraient dû être frais au mois de septembre, sont déjà secs et prêts à faire du grain.
Au niveau des cultures, certains légumes ont manqué d’eau, les carottes, notamment. Elles sont délicieuses en goût, grâce à la concentration en carotène, mais elles sont un peu sèches pour les manger en salade. Il vaut mieux les faire rôtir ou braiser. Elles n’ont jamais été aussi bonnes à mon avis.
Parmi les choses qui ont moins bien marché, il y a l’ail, les têtes sont un peu plus petites que d’habitude ou l’oignon qui est en moins grande quantité que prévu ainsi que le maïs. C’est une culture qui demande beaucoup d’eau et que nous n’avons pas pu arroser autant qu’il l’aurait fallu.
Grâce à notre système d’arrosage, nous avons réussi à contenir les problèmes. Nous avons beaucoup arrosé, et il y a aussi eu beaucoup d’évaporation. A certains moments, le niveau de l’eau dans le bassin était très très bas, et nous avons eu peur de manquer d’eau. Mais grâce aux orages autour du 15 août, nous avons pu récupérer près de 25% d’eau dans le bassin de rétention. Cela nous a permis de passer le cap.
Théoriquement, on devrait plutôt arroser la nuit, mais il est préférable qu’on puisse surveiller pour qu’il n’y ait pas de risques de mauvais arrosage ou de dysfonctionnement. En conséquence, je venais plus tôt le matin pour faire un premier arrosage, puis mon collègue Patrick, prenait la suite à son arrivée. Nous procédons avec des cycles de 2 heures pour chaque zone, de façon à ce que, en période de grandes chaleurs, chaque zone soit arrosée au moins 2 fois par semaine. On ajuste aussi en fonction des caractéristiques de chaque légume : plus souvent pour celles qui sont fragiles comme les salades et moins souvent pour d’autres comme les poireaux.
Nous avons aussi eu quelques problèmes avec les altises (lire sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alticinae) . C’est un petit insecte qui ressemble à une puce. Il pique les feuilles, particulièrement les choux. Dès le début de la chaleur, au mois de juin, nous avons mis un voile sur les cultures de plein champ pour les protéger des altises. Certes le coût de ce voile est non négligeable, mais les cultures ont été protégées. Les choux sont superbes et on voit nettement la différence entre les cultures sur lesquelles on a mis un voile et les autres. Avec le réchauffement climatique, on s’attend à avoir de plus en plus de ces insectes. Donc, l’an prochain, nous mettrons dès le départ le voile de protection.
Autre bonne surprise, les cultures sont assez propres malgré l’arrosage. Il y a peu de désherbage à faire, en ce moment. Nous avions fait beaucoup de désherbage au tracteur et nous avons pu le faire assez tôt. Comme le printemps n’a pas été trop chaud contrairement à l’an dernier, nous n’avons pas été obligés d’arroser et l’herbe a moins germé. Nous avons aussi utilisé la technique du faux semis pour les carottes, associée au désherbage thermique ce qui a aidé les cultures à prendre le pas sur les herbes (cf l’entretien avec Patrick pour l’écho des légumes du mois de juin 2018). D’ailleurs, nous avons pu constater la différence entre les planches que nous avions bien désherbées grâce au binage avec le tracteur et celles que nous n’avions pas pu faire. Dans celles qui avaient été binées, les carottes sont plus hautes et plus belles. En aérant et en décompactant la terre, le binage apporte beaucoup aux légumes et au désherbage. Cette année, le plein champ est superbe.
Même chose pour les cultures sous serre, les légumes sont magnifiques. Les tomates sont non seulement délicieuses mais aussi très grosses. Nous avons eu une tomate coeur de boeuf qui faisait 1 kilo ! C’est aussi le cas des tomates Roma, qui sont des tomates hybrides et, cette année, elles produisent abondamment et ont beaucoup de goût. Je pense que vous avez pu le constater dans votre jardin pour ceux qui ont la chance d’en avoir un. Pour vous donner un ordre d’idées, l’an dernier nous avions produit environ 8 tonnes de tomates et cette année, à ce jour nous en sommes à 10 tonnes, on devrait arriver à 12.
Par contre, malgré nos horaires d’été, de 7h00 à 13h30, les salariés ont souffert de la chaleur. Il fallait bien sûr boire beaucoup d’eau et adopter un rythme de travail moins rapide.
Les cultures d’automne
Cette année est vraiment une très bonne année.
Nous avons récolté les pommes de terre pour lesquelles on a eu un très bon rendement. Encore une fois, grâce à l’eau ! Sinon nous n’aurions rien eu. Nous avons récolté 5 tonnes de pommes de terre.
Les courges sont déjà presque mûres et elles sont très abondantes.
Les patates douces que nous cultivons depuis 3 ans ont très bien marché également. Nous avions gardé quelques patates douces qui nous restaient de l’an dernier. Nous les avons faites germer, mises en pot. Nous avons fait des pieds-mères et des boutures. Nous avons donc eu plus de pieds que ce que nous avions prévu soit environ 1000 pieds de plus que l’an dernier. Nous avions fait 1,5 tonnes et, cette année, nous devrions avoir près de 3 tonnes. C’est une bonne chose car les adhérents apprécient car cela ajoute de la diversité dans nos productions. Ce n’est pas un légume difficile à faire pousser.
Compte-tenu de la production élevée, nous avons fait de nombreuses conserves, avec les tomates, bien sûr, mais aussi avec les autres légumes : coulis de tomates (2000 pots), gaspacho (1200 pots), velouté de courgettes, ratatouille, soupe de tomates-courgettes… Sans compter ce qui reste à venir, en tomates, en courges. Notre cave est pleine ! C’est vraiment important de ne pas perdre, ni gaspiller. Et puis nous avons beaucoup de demandes comme le gaspacho notamment. Les conserves se vendent très bien sur les marchés en hiver. Lorsque nous avons des surplus, nous pouvons les vendre en demi-gros car il y a des demandes. En effet, tous les maraîchers locaux n’ont pas eu notre réussite en terme de production.
Les poireaux sont magnifiques ainsi que les carottes, et en très grosses quantités, de même que les navets, les radis noirs, les céleris, …
Nous avons aussi planté des épinards pour l’automne.
Le verger
Pour le verger, la chaleur a été plus difficile à gérer. Le verger que nous avions planté il y a 5 ans, dont le système racinaire était déjà bien développé, à moins souffert que le nouveau verger, planté en novembre dernier. Malgré un arrosage régulier de 40 litres chaque semaine pour chaque arbre, les jeunes arbres ont beaucoup souffert. Ils n’ont pas pu développer de pousses et n’ont donc pas grossi.
Le sol
Notre sol est hydromorphe. Sur le dessus, il y a une couche d’environ 40 cm de limon et, en dessous, il y a de l’argile avec des couches de marnes. Quand il pleut, comme ce printemps, l’eau stagne car elle est bloquée par la couche d’argile. De ce fait, le sol ne respire plus car il est gorgé d’eau et la terre aurait tendance à pourrir comme dans un marécage. C’est pourquoi nous travaillons en planches permanentes et, à l’automne, nous montons des buttes (voir l’article de Jean-François sur le sujet dans l’écho des légumes du mois de janvier 2018). Ceci permet de mieux drainer le sol que si il était plat. Les cultures reprennent ainsi plus facilement en sortie d’hiver. Cette technique a tellement prouvé son efficacité que nous allons la généraliser dans le plein champ. Cela nous permet également de planter plus tôt.
Les serres
Un mot sur les serres : cette année, nous avons pu bénéficier des 4 nouvelles serres. Ainsi nous avons pu faire de l’engrais vert pour la première fois. L’été, nous avons un peu moins besoin de serres, car on ne va pas multiplier les cultures de tomates à l’infini. L’engrais vert nous permet d’utiliser les serres pour quelque chose d’utile.
Nous avons aussi blanchi les serres. C’est à dire que nous avons passé une sorte d’enduit sur le plastique qui recouvre les serres. Cela nous permet à la fois d’augmenter la réverbération du soleil et de créer de l’ombre dans la serre. C’est un produit à base de craie, donc il est blanc. Quand il pleut, il devient transparent et laisse passer le soleil. Il disparait progressivement en hiver.
Nous avons fait cela parce qu’en début de saison, avec l’humidité, les premières plantations de tomates ont été sujettes au mildiou. Nous avons traité en mettant de la bouillie et en enlevant les premières feuilles. Cependant, quand le soleil est revenu, il a épuisé les plants faute de feuilles. Grâce au blanchiment, on a réduit la quantité de soleil qui pénétrait dans la serre et protégé les plants de tomates. On a donc blanchi toutes les serres de solanacées : tomates, aubergines, poivrons. Il faisait moins chaud sous les serres et cela rendait aussi le travail moins pénible pour les salariés. Au plus fort de la chaleur cet été il était impossible de retourner sous les serres en fin de matinée tellement il faisait chaud ! On s’est organisé en tenant compte de la contrainte des récoltes tout en faisant attention à la santé des salariés.
D’ailleurs, nous avons fait l’acquisition de nouvelles bâches plus opaques que nous allons tester et qui nous éviteront de blanchir à l’avenir.
Donc, un été, marqué par la chaleur, mais exceptionnel en termes de production grâce à la mobilisation de toute l’équipe et à notre système d’arrosage !